lundi 25 janvier 2016

Anquetil à la Une de Miroir du cyclisme ! (Quatrième partie : 1963)

1963 : Anquetil se prépare à entrer complètement dans l'histoire en étant le premier à gagner 4 fois le Tour de France. Mais en ce numéro 27 de janvier 1963, la Une de mon magazine préféré présente Anquetil en chasseur.
Ce voyage au bout du monde s'est déroulé durant l'inter-saison en Nouvelle-Calédonie. Sur cette une, Jean Stablinski, champion du monde en titre, et Rudy Altig (me semble-t-il ?) accompagnent Maitre Jacques.
"Miroir du cyclisme" inaugure en cette année 1963 un numéro spécial qui va devenir un classique.
Le numéro 29 présente le prochain Paris-Nice en montrant Anquetil sous la neige lors d'un paris-Nice passé. Et cette édition 1963 de la "Course au soleil" fut remportée par le Normand (pour la troisième fois).
Les "photos couleur à encadrer" font leur apparition en avril 1963. Ce fut un incontournable du Miroir jusqu'au début des années 70, avant d'être remplacé en 1972 par les non moins fameux posters.
 En ce début d'année 1963, Pellos fait une revue de détail des forces en présence pour la saison à venir, avec son talent habituel.
Si dans le numéro 30, Joseph Groussard, vainqueur de Milan-San Remo, fait la Une, Anquetil est le héros du dessin de Pellos en avant-dernière page.
Le numéro 31 de mai 1963, présente Altig à la Une mais en page 2 Pellos croque les aventures des champions, chanceux ou malchanceux, du début de saison.
Puis, le Tour de France approchant, Anquetil revient à la Une, avec Poulidor et Van Looy, pour ce numéro de présentation du prochain Tour, la traditionnelle carte murale occupant, comme d'habitude, le centre de la revue.
Quelques jours après le départ de ce Tour 1963, cette Histoire du maillot jaune parait. Et bien sûr les deux champions français font la une : Anquetil - Bobet, Bobet -Anquetil. Il manque Philippe Thys qui lui aussi avait gagné trois Tour de France.
 Pour les 60 ans du Tour (le 50ème Tour), Pellos dessine la crème du vélo sur le gâteau d'anniversaire.
Le Miroir du Tour 63 nous annonce le record d'Anquetil qui devance Bahamontes de 3 minutes et 5 secondes tandis que Poulidor termine  huitième.
Ce fut la dernière fois qu'Anquetil fit la Une du Miroir en 1963.
Et pourtant, Anquetil  a failli faire l'impasse sur ce Tour, à cause d'un... ver solitaire.
Ce qui donne ce long poème au début du Miroir du Tour. Illustré par Pellos, je n'en connais pas l'auteur (Hélas !), peut-être Maurice Vidal (?) mais ce long texte en alexandrins mérite la postérité.
Rêveries d’un ver solitaire
Le Tour était en vue. On affûtait les armes.
Anquetil, en seigneur, avait sans une larme

Dominé ses rivaux, battus à Monthléry.


               Puis mis, dans la Vuelta, les autres à sa merci.

C'est d'ailleurs à Madrid que nous nous rencontrâmes

Au-dessus d'une assiette, lui et moi nous liâmes.
J'étais las de quêter une hospitalité
Comportant l'essentiel pour la commodité.
Un abri bien conçu, étendu, confortable,
Où le divan serait à deux doigts de la table,
Où je pourrais enfin accomplir mon destin
Et grandir, prospérer, en mangeant à ma faim.
Et peu m'importait qu'il eût gagné la pratique :
Je me moquais de l'homme qu'encensait la critique
Et peu m'importait qu'il eut gagné la Vuelta
Pourvu qu'il ne manquât d'appétit, d'estomac !
II suffisait qu'il eût dans le coup de fourchette
Autant d'alacrité que sur sa bicyclette,
Pour que, sans m'arrêter à sa notoriété,
J'aspire à devenir son fidèle équipier !
L'essai fut concluant : il dévorait, madame !
Aussi, discrètement, j'arrêtai mon programme,
Et n'eût de cesse qu'il m'admît sans s'en douter
Dans la splendeur bénie de son intimité !
C'est ainsi que, posé, sur une côtelette,
Je devins l'invité de la grande vedette.
Au début, quelle  joie! tout était sompteux :
Un gîte fort cossu, vaste et harmonieux,
D'avenantes soupentes, une cave de maître
Et des repas qu'il m'eût déplu de méconnaître !
Je me faisais petit et n'exagérais point
Pour jouir plus longtemps de cet accueil serein.
Hélas, trois fois hélas ! comment se contrefaire ?
J'avais faim, je mangeais et croissais tant, misère !
Que je fus démasqué, malgré mes plus grands soins,
Et livré sans vergogne, aux échos, aux potins.
On lut dans les journaux qu'un fâcheux locataire
Troublait Jacques Anquetil : moi le ver solitaire !
J'étais très mécontent. Je le fus plus encore
Lorsque des journaleux qui croyaient parler d'or,
Affirmèrent sans rire : « C'est un ver... littéraire,
Pratique. Pour tout dire.- un ver imaginaire.
Un bobo controuvé, un fameux alibi
Qu'Anquetil avançait, ainsi qu'un ver d'aigri. »
Je n'ai jamais été un m'as-tu-vu stupide.
Je vis, discret, caché, dans un creux, dans un vide,
Mais être ainsi traité d'imposteur opportun
M'affecta et me fit un énorme chagrin.
Pourtant,  j'aurais voulu  qu'on  les crût sur parole
Ceux-là   qui    malmenaient      les sots ! ma gloriole !
 Car ainsi on m'aurait laissé grandir en paix,
Et me développer dans un calme parfait.
A la place de quoi, des amis, par centaines,
Donnèrent à Anquetil des recettes vilaines
Destinées à m'occire, sans regret, sans façon :
Cent Borgia tout prêts à donner le poison !
Inutile, je pense, de dire ma misère.
J'espérais tant du Tour. Moi, je voulais le faire.
Et j'avais reconnu avec le plus grand soin
Les étapes d'un grand et savoureux festin.
J'augurais à Rouen une sauce madère,
A Rennes, un steack tartare, à Bordeaux, du gruyère ;
Anquetil n'ayant point mauvais goût, à Bordeaux,
J'envisageais des crus et du meilleur tonneau !
Sans compter que le Tour traversant la Champagne,
Je n'aurais pas eu soif, qu'il perde ou bien qu'il gagne !
Mais alors que la vie, enfin, m'apparaissait
Sous les plus savoureux de ses riants aspects,
Voilà que le danger gâta la conjoncture :
Et que je fus l'objet d'atteintes les plus dures.
D’abord cet Anquetil, que j'avais cru si bon,
Ne courait plus le Tour et me faisait faux-bond.
Adieu veaux et douceurs, vaches et cochonailles !
« II n'y a, disait-il, que le repos qui m'aille ! »
Et il mettait au point un amer traitement
Afin de m'expulser de mes appartements,
Comme si je n'étais qu'un affreux locataire,
Abusif et bruyant, sombre et atrabilaire !
Je ne l'avais, bien sûr, nullement empêché
De gagner sans douleur un joli Dauphiné,
Pourtant, il s'obstina, me déclara la guerre,
Me bombardant l'ingrat ! de potions délétères.
Notez, je m'accrochais, moi je voulais rester :
L'intérieur d'un champion n'est pas à dédaigner.
Avec obstination, tête dans l'œsophage,
Je résistais, courbant l'échine sous l'orage...
Ah ! Ceux qui prétendaient que j'étais controuvé,
J'aurais voulu qu'ils vissent ma superbe santé !
Malgré les potions, les herbes et les purges,
J'étais encore debout. Si j'étais dramaturge,
J'écrirais sur cet âpre et douloureux combat
Un drame trop vécu : le ver contre Attila !
Mais tout a une fin, même la résistance.
Certain jour, je cédai, après mille souffrances,
Vaincu dans un duel sans pitié, sans merci,
Je me retrouvai seul, assommé, sans abri,
Ayant perdu d'un coup mon gîte et ma pitance,
La gloire d'Anquetil, celle du Tour de France !
Et dans le même temps, mon maître requinqué,
Enfin, ce fût l'avis de Gem un retraité
Victime de pressions multiples et convergentes
Décidant un matin : « je fais le Tour de France ! »
Alors, ce fut pour moi un cauchemar sans fin :
Poulidor attaquait, Van Looy mettait le frein
Mon bon maître l'ancien, car j'étais descendu
Dans le ventre d'un autre, un minable, un tordu
Souffrait dans leur sillage, perdu et misérable.
Cherchant le compagnon loyal et secourable,
Qui eût tout partagé, sa peine et ses repas,
Lesquels passaient très mal, surtout le buffet froid...
Jamais, je n'aurais cru qu'un champion, qu'un géant,
Pût, même pour un Saint (1) trahir un innocent...

                                                             (1) Raphaël

En août, Anquetil laisse la Une aux héros du championnat du monde mais IL est le héros de Pellos.
 Pour finir l'année, la première "photo couleur à encadrer" de Jacques Anquetil parait dans le numéro 37 d'octobre 1963.
CADEAU !
L'ogre Anquetil ( le Cannibale ce sera un autre...) a encore fait un gros festin en 1963 comme le montre Pellos dans le numéro 38 de novembre. 
Enfin, dans le Livre d'or de cette belle année anquetilienne, Pellos nous annonce les duels à venir de 1964. On en salive déjà !

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